Invitée par l’organisation non gouvernementale Action Santé Mondiale, je participe pour la première fois à une délégation parlementaire au Sénégal. En effet, en tant que parlementaire, j’ai été emmenée l’année dernière à rédiger un rapport budgétaire sur l’aide publique au développement (APD) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. L’APD est l’ensemble des financements apportés par les acteurs publics des pays les plus favorisés, pour améliorer les conditions de vie dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Cette mission permettra je l’espère d’appréhender au mieux les enjeux sanitaires et les réalisations et réalités du terrain qui structurent les actions de solidarité internationale. Ce type de rencontres constitue également une forme d’évaluation des forces et faiblesses des partenariats, mais aussi de la relation entre les bailleurs de fonds et les bénéficiaires de l’aide.

J’avais pu auditionner Gautier Centlivre, responsable plaidoyer au sein d’Action Santé Mondiale, organisation membre de Coordination Sud, plate-forme de référence regroupant les ONG intervenant dans le cadre de l’Aide publique au développement. Gautier a élaboré ce programme de visites terrain à un moment crucial : il intervient quelques jours après le conseil présidentiel du développement du 5 mai, et en amont du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) prévu le 8 juin. Ce CICID est très attendu, d’autant qu’il était initialement prévu pour le premier trimestre 2023. Il s’agit de la pierre angulaire de la stratégie française sur l’aide publique au développement au cours des 5 prochaines années. Le CICID fixe ainsi l’agenda de mise en œuvre de la politique d’APD : présentation de la stratégie, précision de priorités et définition des moyens.

En 2021, l’Assemblée nationale a adopté une loi sur le développement avec un objectif clair présenté à l’État : 0,7 % du revenu national brut destiné à financer l’APD d’ici 2025. Aujourd’hui, la plupart des ONG craignent un recul du gouvernement sur cet objectif. Par ailleurs, ces ONG souhaitent que certains vecteurs de développement tels que l’accès aux soins et la sécurité sanitaire soient clairement valorisés. Aujourd’hui, les programmes santé représentent 8 % des financements mobilisés pour l’APD. Un chiffre largement insuffisant au vu de l’impact bénéfique de ces programmes sur le développement. Investir dans des programmes sanitaire, c’est poser les bases d’une société en bonne santé, capable de s’émanciper. Ce formidable levier de progrès est souvent mis de côté, mal considéré au sein de notre APD. Rappelons que la santé, objectif de développement durable de l’ONU, est encore un luxe pour des millions de personnes dans le monde. 400 millions de personnes n’ont ainsi pas accès à des services de santé de base. Ce manque d’accès à des services de santé basiques est un obstacle majeur pour 1,6 millions de personnes. 5,2 millions d’enfants de moins de 5 ans ont perdu la vie en 2019 suite à des maladies qui auraient pu être traités. Au Sénégal, seul 4,23 % des dépenses étatiques sont destinées au secteur de la santé. Une proportion en baisse. Malgré cela, des avancées dans la baisse de la mortalité néonatale et maternelle ont pu être constatées même si les résultats actuels restent inférieurs aux objectifs de l’ONU.

Soutenir la santé via l’APD, c’est aussi compléter les besoins d’une multitude d’acteurs locaux qui répondent aux attentes du quotidien. Leur implication dans l’aide publique au développement est indispensable pour des améliorations durables. En effet, ils maîtrisent les enjeux du terrain et son capables de déployer au mieux les ressources sanitaires affectées. Par ailleurs, le Sénégal est un pays partenaire majeur de la France en Afrique de l’Ouest, longtemps poste de stabilité dans cette zone. Participer au développement de ce pays par le biais de l’aide publique au développement, c’est contribuer à cette stabilité. Signalons toutefois la propension française à abuser des prêts, d’user de l’endettement de pays en difficulté pour mieux appuyer son assise économique sur d’autres pays. La position de La France insoumise est claire : la seule condition à l’APD doit être la réponse aux besoins immédiats des populations, en coordination avec les acteurs locaux et dans le respect des droits humains, démocratiques et sociaux. Sur ce dernier point, je souhaiterais exprimer mon inquiétude sur la criminalisation d’opposants politiques qui semble être menée au Sénégal à une année de la présidentielle. Ousmane Sonko est ainsi menacé d’ inéligibilité suite à sa condamnation pour des faits de diffamation. Une décision inquiétante à quelques mois d’une campagne électorale et des débats politiques largement réclamés par la population.