Mme Nadège Abomangoli interpelle Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la Prévention sur la sanction déguisée envers Caroline Brémaud, ancienne cheffe de service des urgences à l’hôpital de Laval, pour avoir dénoncé la dégradation de l’hôpital public.
« Je ferais honte à mon serment si je ne dénonçais pas la dégradation de notre système de santé. Dans mon serment, le premier devoir que j’ai est au regard des enjeux sociaux », rappelle avec justesse Caroline Brémaud, ancienne cheffe de service des urgences à l’hôpital de Laval. Alors que 70% des SMUR n’ont pas pu fonctionner en continu cet été sur notre territoire, alors que près d’un service d’urgences sur deux a fermé au moins une fois pendant les mois de juillet et août, alors que les patients cumulent les nuits sur des brancards faute de lits… Caroline Brémaud a fait honneur à son serment, elle a dénoncé les conditions de travail et d’accueil indécentes dans les hôpitaux de notre pays, et semble aujourd’hui victime de sanction déguisée pour avoir parlé.
Le 7 novembre dernier, elle a été convoquée à une réunion prévue depuis plusieurs jours, lors de laquelle est annoncée la mise en place du rapport Savary. « Ce rapport a été fait en octobre 2021, entre temps il y a eu la mise en place et la généralisation de la régulation, et l’obligation d’appeler le 15 avant de se présenter aux urgences, donc l’application de ces directives deux ans après sont hors sol », souligne Caroline Brémaud. Non seulement l’ARS ne tient pas compte des changements de ces derniers mois, pire elle semble n’appliquer que ce qui l’arrange dans le cas de Caroline Brémaud. Alors que jusqu’ici chaque service avait son propre chef, le rapport préconise désormais de n’avoir qu’un seul médecin chef, relevant à la fois des urgences et du Samu. Un deuxième point que, cette fois-ci, l’ARS ne semble pas avoir jugé nécessaire d’appliquer. « La personne choisie pour me remplacer comme unique médecin coordinateur ne répond pas à ces critères, l’ARS ne semble appliquer que ce qui les arrange dans ce rapport, c’est une façon déguisée de me mettre de côté », dénonce Caroline Brémaud. Confirmation quelques jours plus tard d’un responsable de l’hôpital : « La mission était de vous évincer » lui a-t-il confié.
« Ma communication de cet été aurait déplut. J’ai dénoncé la situation locale, notamment la non prise en charge SOS AVC, mais aussi la situation au niveau national avec la dégradation de notre service public », raconte Caroline Brémaud. Elle n’est pas la seule dans ce cas-là, les témoignages de soignants à bout de souffle s’accumulent tristement. « C’est accablant. On touche à l’urgence vitale, il y a une mise en danger de la santé des Français. », Marc Noizet, président SAMU-Urgences de France ; « Malheureusement, actuellement, nous ne misons plus sur la qualité des soins et la sécurité en pâtit », Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et cheffe de Service du SAMU-SMUR-SAU 95 ; « Même si je dois en perdre mon poste, j’en peux plus, je ne peux plus me taire. On est dans une situation de guerre permanente », médecin urgentiste de Strasbourg.
Ce n’est pas la première fois qu’un médecin parle et se retrouve évincé de son poste dans notre pays pourtant démocratique. « Après avoir été démise de mes fonctions j’ai reçu de nombreux message d’autres médecins qui ont vécu la même chose, dans quel monde on vit ? », se questionne à juste titre Caroline Brémaud. Doivent-ils continuer à subir en silence ? Non ! Les soignants et patients disent stop à ce muselage. Caroline Brémaud est soutenue non seulement par ses collègues, mais également par le Collectif Inter Hôpitaux, Samu Urgences de France et l’Association des Citoyens Contre les Déserts Médicaux. « Avant je me demandais pourquoi les autres ne parlent pas ? Maintenant je comprends… Je pense que je suis soutenue car je ne fais que dire la vérité, tout un chacun peut en faire le constat en allant à l’hôpital. ».
En 2020, il fallait applaudir les soignants. En 2023, on évince ceux qui parlent trop. Monsieur le Ministre, depuis 2020, l’hôpital poursuit son effondrement : le nombre de postes vacants a été multiplié par 8, 70%, les soignants ne cessent de dire que le Ségur n’a pas suffi. En décembre 2022, 150 personnes seraient décédées faute de prise en charge adéquate. Tout cela, c’est votre bilan. On attend de vous un changement de cap, pas de faire taire les soignants. Caroline fait honneur à la France, elle doit retrouver son poste de cheffe de service des urgences à l’hôpital de Laval.